Le naufrage du "Prestige" est à l’origine d’une catastrophe environnementale majeure. C’est la troisième grande marée noire vécue par la Galice, après celles de l’"Urquiola" (1976) et de l"Aegean Sea" (1992) et, en même temps, la troisième marée noire par du fioul lourd dans les eaux européennes en moins de quatre ans, après celles de l"'Erika" (1999) et du "Baltic Carrier" (2001).
Retour sur les faits, les coûts financiers de la plus grave marée noire qu’ait connue le littoral aquitain et les procédures judiciaires qui auront duré dix ans.Le naufrage du "Prestige"
Victime d’une voie d’eau le 13 novembre 2002 au large de la Galice (nord-ouest de l’Espagne), après avoir perdu 4 000 tonnes de fioul, le pétrolier "Prestige" se brise le 19 novembre 2002 et sombre par plus de 3 500 mètres de fond. Venu de Lettonie, le navire transporte 77 000 tonnes de fioul.40 000 tonnes de pétroleVingt-quatre des vingt-sept membres de son équipage, constitué de Roumains et de Philippins, sont évacués. Seuls restent à bord le capitaine, son second et le chef des machines, tous trois de nationalité grecque. Construit au Japon en 1976, le pétrolier aurait été victime d’une « voie d’eau par usure », due à un défaut de maintenance. C’est le début de la plus grave marée noire qu’ait eu à subir le Nord-Ouest de l’Espagne et le littoral aquitain. Au total, ce sont 40 000 tonnes de pétrole qui seront déversées dans la mer, contre 20 000 pour l’"Erika".
La pollution touche l’Espagne et le Portugal
Le 6 décembre 2002, le mazout touche le Pays Basque espagnol et arrive sur la côte Cantabrique. Sept plages sont souillées entre Gijon et Santander. Le bras de mer remontant vers Bilbao est également touché.La marée noire arrive en France
Le 31 décembre 2002, les nappes de fioul, de 2 à 5 mètres de diamètre, échappées du Prestige, flottent à 330 km de la côte française, vers laquelle les poussent de forts vents. Signe précurseur de l’arrivée de la marée noire en Aquitaine, des oiseaux intoxiqués par les hydrocarbures sont recueillis au Bassin d’Arcachon par la LPO (Ligue de protection des oiseaux).La marée noire arrive dans la nuit du premier de l’an 20013 en Gironde, où des galettes d’hydrocarbure de toutes tailles, noires compactes, épaisses ou molles, souillent les plages de Lacanau, du Porge et du Cap-Ferret. Toute la côte girondine (17 kilomètres) est placée sous surveillance par la Préfecture.
Le 5 janvier 2003, c’est la désolation au Wharf de la Salie et sur toutes les plages du Bassin d’Arcachon. La quasi-totalité des maires du secteur interdisent l’accès aux plages, tandis que les personnes chargées de nettoyer s’activent.
Le 6 janvier 2003, les premières traces d’hydrocarbure arrivent sur les plages de Saint-Jean-de-Luz et de Bidart (Pyrénées-Atlantiques). Le 28 janvier, la pollution du "Prestige" touche la côte basque dans son ensemble. De nombreuses boulettes flasques, disséminées un peu partout et mêlées aux déchets souillent les plages d’Hendaye à Anglet, en passant par Ciboure, Saint-Jean-de-Luz, Guéthary, Bidart, Biarritz et ses emblématiques Grande Plage et plage du Miramar.
En février 20013, les plages des Landes sont à leur tour souillées par la marée noire.
Du début des procédures en justice à la question des indemnisations
Le 5 mars 2003, les ostréiculteurs de Marennes- Oléron, victimes de la marée noire (leurs ventes accusent 60% de pertes), s’associent aux Espagnols de l’association "Nunca Mais" pour porter plainte, entre autres, contre l’Etat espagnol. Plusieurs communes du Pays Basque et du sud des Landes s’apprêtent à se porter parties civiles dans la procédure, comme l’association Aquitaine Alternatives. En Gironde, les ostréiculteurs et les communes du bassin d’Arcachon, comme certaines du Médoc, défendus par le cabinet de Corinne Lepage, ont porté plainte contre X.Depuis le mois de janvier, 9 000 tonnes de fioul et de déchets souillés par le Prestige et ramassés en Aquitaine, ont été brûlés en Gironde : 8 000 tonnes à l’usine d’incinération de Bassens et 1 000 à Bègles, par l’entreprise Astria. Le 26 avril 2003, il reste encore alors entre 5 000 et 6 000 tonnes de déchets à incinérer.
La question des indemnisationsLe 8 mai 2003, le comité exécutif du Fonds international de l’indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures (FIPOL) annonce à Londres que les victimes françaises et espagnoles de la pollution due au naufrage du "Prestige", recevraient, pour le moment, une indemnisation correspondant à environ 15 % du montant du dommage, estimé à 1 milliard d’euros au total. Le FIPOL ne disposant que de 171 millions d’euros, l’organisation a décidé de limiter le taux d’indemnisation.
Deux exemples concrets : un ostréiculteur arcachonnais qui aurait subi un préjudice estimé à 1 000 euros, percevrait 150 euros. La seule ville de Lège-Cap Ferret estime, elle, que la marée noire lui aura coûté 650 000 euros.
En juillet 2003, la marée noire est loin d’être finie en Gironde, où les galettes d’hydrocarbure continuent d’affluer jusqu’à la fin du mois, notamment sur les plages du Petit-Nice, du bassin d’Arcachon et du Cap-Ferret…
La lourde facture du nettoyage des plages en France et en Aquitaine
A la fin septembre 2003, un bilan montre que le nettoyage des plages a coûté très cher à l’Etat et aux communes : l’Etat a dépensé près de 33 millions d’euros dont 9,55 millions pour la Gironde (hors élimination des déchets). Par le plan Polmar, la somme de 1,8 millions d’euros, dont 933 000 pour le seul département de la Gironde a servi au remboursement des collectivités locales de cette zone, dont Lège-Cap-Ferret (27 km de plages ont été souillées, côté océan et côté bassin), Lacanau (16 km de plages) et la Teste-de-Buch. Toutes les communes préparent aussi un dossier pour obtenir des indemnisations du FIPOL, pour leurs frais complémentaires.Le procès du "Prestige"
Dix ans après la catastrophe, le procès fleuve du "Prestige" s’ouvre enfin en octobre 2012 devant le tribunal supérieur de justice de Galice, à La Corogne, dans le nord-ouest de l’Espagne.>>> Landes : 15 ans après la marée noire du "Prestige", des indemnisations toujours espérées
Dix-sept communes landaises et deux communes basques (Saint-Jean-de-Luz et Bidart) participent au procès et réclament des dédommagements. En revanche, aucune ville de Gironde n’est partie civile. Entre l’accident et l’ouverture du procès, la majorité des communes du littoral aquitain ont en effet jeté l’éponge dans ce marathon judiciaire.
4,328 milliards d’euros de dommages et intérêtsLe procès s’achève le 10 juillet après huit mois d’auditions. Le parquet requiert entre cinq et 12 ans de prison pour le commandant, Apostolos Mangouras, âgé de 78 ans, le chef mécanicien du Prestige, Nikolaos Argyropoulos, grec lui aussi, et le directeur de la Marine marchande espagnole de l’époque, José Luis Lopez-Sors, ainsi que 4,328 milliards d’euros de dommages et intérêts.
Le 13 novembre 2013, onze ans, jour pour jour, après l’appel de détresse lancé par le pétrolier " Prestige " au large du cap Finisterre, le tribunal supérieur de justice de Galice relaxe les trois prévenus qui ont comparu pendant les huit mois d’audience, les lavant de l’accusation "d’atteinte à l’environnement et à des espaces naturels protégés ".
En revanche, le commandant est condamné à neuf mois de prison pour avoir, dans un premier temps, refusé le remorquage vers le large qui avait été décidé par les autorités espagnoles. Son âge (78 ans) et sa détention préventive lui éviteront de retourner derrière les barreaux. Pour les quelque 1 500 plaignants, regroupés en 55 parties civiles et les ONG, telle Greenpeace, la déception est immense. Lors du procès, un quatrième accusé, l’officier en second philippin Ireneo Maloto, était toujours en fuite.
Le 23 novembre suivant, le parquet de La Corogne et l’Etat français se pourvoient en cassation pour faire reconnaître par la Cour suprême espagnole l’existence d’une infraction pénale d’atteinte à l’environnement. Le recours français n’est dirigé "que contre le capitaine et son équipage (le premier officier et le chef machiniste) à l’exclusion de l’ancien directeur de la marine marchande espagnole.
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