Broads One Design, un monotype signé Linton Hope
par Richard Johnstone-Bryden – Le Broads One Design a tiré ses premiers bords en 1901 dans le Suffolk, dans l’Est de l’Angleterre. Menacé de disparaître dans les années 1980, ce monotype élégant et polyvalent a trouvé un nouvel élan en se convertissant à la construction en polyester, et c’est près d’une centaine de « BOD » qui naviguent aujourd’hui, dans leurs eaux natales et jusqu’en Bretagne, où ils ont rendez-vous cet été.
Le Broads One Design, l’un des plus anciens quillards monotypes au monde, est né à l’aube du XXe siècle de la vision de deux frères, Frank et Tod Corbett, membres du Royal Norfolk & Suffolk Yacht Club (RN&SYS), dont le club house est établi à Lowestoft. Ce port donne sur la mer du Nord, mais il est aussi relié aux Broads, le réseau de lacs, de rivières et de canaux qui irriguent sur plus de deux cents kilomètres les splendides paysages de campagne et de marais des comtés du Norfolk et du Suffolk.
Le circuit de régate des yachtsmen locaux se partage volontiers entre la mer et les eaux intérieures des Broads. Il est alors dominé par quelques riches propriétaires d’engins de course coûteux, avec des équipages professionnels, tirant le meilleur parti du système de jauge à handicap. Mais ce « style » sportif basé sur l’usage intensif du carnet de chèques ne fait pas l’unanimité. Aux yeux des frères Corbett, le développement d’une classe de voiliers demi-pontés identiques donnerait un cadre de course clairement défini, à un coût bien plus raisonnable.
Pour mettre leurs idées en pratique, Frank et Tod Corbett font appel en 1900 au prolifique architecte naval Linton Hope (CM 314), à qui ils demandent de dessiner un bateau à leur idée, qui ne coûte pas plus de 50 livres sterling (environ 7 000 euros d’aujourd’hui, en tenant compte de la seule inflation). Linton Hope a alors à son actif aussi bien des canoës à voile que Scotia, doublement médaillé d’or aux Jeux olympiques cette année-là, dans la catégorie des demi-tonneau et des moins de un tonneau.
Les frères Corbett lui commandent le plan d’« un bateau sans caractéristiques exagérées, avec un plan de voilure simple, d’un maniement aisé, raisonnablement rapide, capable de courir en mer en plus des eaux intérieures. » Le plan qui naît sur la table à dessin de Linton Hope semble une réduction de yacht de course international de son temps, et il demeure le plus élégant des monotypes jamais construit pour les Broads. Les courbes élancées de la coque culminent à l’avant en cuiller, peu profond, et au tableau. Au milieu du bateau, un cockpit spacieux, capable d’accueillir trois adultes – c’est le maximum selon les règles de classe (un barreur et deux équipiers), même si chaque adulte peut être remplacé par deux enfants, histoire d’encourager les générations futures. Le mât est monté sur jumelles, de façon à être facilement abattu et redressé au passage des différents ponts qui enjambent les rivières des Broads. Le plan de voilure se réduit à une grand-voile et un foc. Les trois drisses et la balancine passent à travers le pont et sont tournées en dessous.
Le plan Linton Hope reçoit toute sorte de noms d’oiseaux
Baptisé Broads One Design (BOD), le plan dessiné par Linton Hope fera la preuve de ses qualités à la mer en maintes occasions. Personne, dit-on, n’a jamais fait chavirer un BOD. L’architecte place une telle confiance dans sa création qu’il aurait offert un prix de 5 livres sterling à quiconque parviendrait à retourner un BOD. Quand un des premiers commanditaires passe la récompense à 10 livres, quelques navigateurs s’affairent à remporter ce « prix » par vent frais sur Oulton Broad, mais ils ne s’en tirent qu’avec un mât cassé ! Christopher Boardman, médaille d’or olympique, et également barreur du premier Class J, Shamrock V, déclare un jour : « Le BOD est le meilleur quillard sur lequel j’aie jamais navigué. »
Pour donner les meilleures chances au nouveau monotype, les frères Corbett s’arrangent pour persuader trois autres navigateurs de commander un BOD aussitôt que Linton Hope a mis la dernière main à ses plans. Néanmoins, le prix fixé au départ ne pourra être tenu, et les futurs propriétaires acceptent de payer le double.
Les cinq unités sont construites par la Burnham Yacht Building Company et livrés sur Oulton Broad par le chemin de fer au début de l’année 1901. À l’exception du troisième BOD, baptisé Flittermouse, ce qui évoque une chauve-souris, tous les bateaux de la classe portent le nom d’une espèce d’oiseau des Broads – une tradition toujours observée aujourd’hui. Les cinq bateaux sont lancés en temps voulu pour la régate inaugurale de la classe, le lundi de Pentecôte 1901. C’est au vice-commodore du RN&SYS, T. Sergeant, qu’échoit l’honneur de la victoire dans cette course historique sur Oulton Broad, à la barre du BOD no 2, à Tod Corbett. Les cinq bateaux consacrent le reste de la saison à régater, entre eux ou dans les courses sur les Broads et devant Lowestoft, pour faire connaître les BOD aux navigateurs de la région. À ce moment, les premiers propriétaires s’entendent pour constituer le club des Broads One Design, sous l’égide du RN&SYS, de manière à fixer les règles de classe, piloter le développement du BOD et organiser le programme annuel. Le club rencontre un tel succès qu’en 1919, ses membres rejettent la tutelle du RN&SYS pour la gestion de la classe.
Les premiers BOD suscitent rapidement l’intérêt du yachtsman local Russel Colman, qui passe commande du no 6, Dabchick, en 1902. Russel Colman fera ensuite réaliser un splendide modèle réduit en argent de Dabchick pour décorer la table de sa salle à manger. Après la mort de Russel Colman, le modèle sera présenté par son petit-fils lors des festivités du soixantième anniversaire de la classe. Il dote, depuis, une compétition annuelle de BOD.
L’entre-deux-guerres consacre les monotypes
Quelque quinze BOD sont lancés avant la Première Guerre mondiale. Les douze premiers sont bordés en cèdre, et leurs œuvres mortes vernies les font surnommer « les bateaux bruns ». L’acajou sera utilisé pour le bordage des BOD suivants et pour la restauration de certains des plus anciens.
Quand le circuit de régate des Broads reprend son activité en 1920, les courses ont pris un tour bien différent de celui de leur apogée à l’époque edwardienne. Le temps des grandes fortunes et des équipages professionnels est révolu, laissant la place à un circuit de navigateurs amateurs, avec des unités plus modestes… En dépit de la naissance de nouveaux types comme le Waveney One Design ou le Norfolk Dinghy, le BOD connaîtra entre les deux guerres un fort regain de popularité. Le trentième BOD sera ainsi lancé en 1939, avant que les régates soient, pour la seconde fois, interrompues par la Guerre Mondiale.
Cette deuxième vague de lancements est marquée par la conversion momentanée du BOD no 7, Kingfisher, en 1933, lorsqu’on expérimente sur celui-ci un gréement bermudien pour voir s’il peut améliorer la marche du voilier. Faute de résultats concluants, son gréement est finalement installé sur un Waveney One Design. À noter qu’à son tour celui-ci, une fois modifié, ne s’en trouve pas mieux classé, ce qui conduit également à un retour aux sources dans cette classe conçue, elle, avec un gréement houari.
La reprise des courses en 1946 voit le lancement du trente et unième BOD, Greylag, dont la construction a été commencée en 1939 par Ernie Drake pour Mme G. Goldman, et qui est achevée par Leo Robinson. L’année suivante, Lady Mayhew, l’un des piliers indéfectibles de la classe, est la première femme élue à la tête du club des BOD, à l’instar de son père, Russel Colman, qui a assuré ces fonctions jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. Lady Mayhew s’était, elle, engagée dans la classe dès le lancement du Dabchick paternel. Elle a ensuite repris la barre du BOD de sa sœur, le no 5, Peewit, en 1919, avec lequel elle a couru jusqu’en 1932, année de son mariage avec Sir Basil Mayhew et de son déménagement à Londres. Peewit passe alors aux mains de son neveu George Lockett. Quatre ans plus tard, le couple revient dans le Norfolk et Lady Mayhew fait construire par Ernie Drake le BOD no 30, Pochard, dans le hangar à bateaux de la famille Colman sur Oulton Broad. Sa longue histoire avec Pochard et son engagement au service de la classe jusqu’à sa mort en 1997, peu avant son cent unième anniversaire, l’ont fait reconnaître comme la marraine des BOD. Son père lui-même, avait été désigné comme « le père de la flottille » par le dernier des fondateurs encore vivants en 1931, Tod Corbett, dans un article écrit alors pour la revue Yachting World.
L’ère nouvelle du polyester et de la fibre de verre
Sans surprise, dans les années d’après-guerre, nombre de BOD commencent à accuser le poids des ans. Certains se verront offrir une nouvelle jeunesse par le charpentier et navigateur émérite Nick Truman, artisan de plusieurs restaurations depuis les années 1960, comme celles du no 6 Dabchick, du no 10 Snipe, du no 14 Mallard et du sien, no 20 Spoonbill. Nick Truman a aussi reconstruit dans les années 1990 le BOD no 17 Goldeneye pour Alby Cator, en remplacement du bateau du même nom. Malgré ces chantiers importants, le nombre de BOD régulièrement engagés dans le circuit de régates décline au long des années 1970.
Cette tendance préoccupante, ainsi que l’absence de nouvelles constructions depuis 1946, sont de mauvais augure pour la flottille. Le développement d’un BOD en fibre de verre et polyester apparaît alors comme une solution possible, pourvu que ses performances soient à la hauteur de ses prédécesseurs en bois, et que les différences visuelles soient réduites au minimum.
Paddy Hardiman et David Crome entraîneront la classe dans l’ère du polyester en passant commande de la première version composite en 1985 : le BOD no 32 Meganser, lancé par Lady Mayhew au chantier d’Eastick, à Acle, le 15 août 1987. Il espèrent qu’avec des coûts réduits de construction et d’entretien, Meganser saura attirer ceux que les lignes élégantes des BOD séduisent, mais qui n’ont pas les moyens, le temps ou la volonté de faire face à l’entretien d’un bateau en bois. Meganser est autorisé à s’aligner aux côtés des unités plus anciennes aux régates de la saison suivante, de façon à pouvoir comparer sérieusement leurs qualités. Si ses résultats indiquent en premier lieu qu’il est significativement plus rapide, une deuxième série de mesures de performances croisées, avec deux bateaux, contredit ce premier constat, et Meganser est admis à participer aux régates de classe de manière définitive. Les discussions suscitées par ces études mènent à un resserrement des règles de mesure qui assure que les futures unités se conforment bien aux règles de classe et concourront sur un pied d’égalité avec les bateaux plus anciens.
À l’usage, on constatera que ce délicat rééquilibrage est une vraie réussite. Les BOD en bois en bon état peuvent toujours courir à armes égales contre leurs petits frères en polyester et fibre de verre. Les espars de tous les bateaux de la série demeurent en bois massif – du spruce, pour la plupart. Le gréement, extrêmement simple, est resté inchangé : pas de bastaques ni de réglages du cintre du mât, pas de winches. Pour faciliter le réglage du foc, seul un passage en double des écoutes (dépourvues de rails) est permis, avec un taquet coinceur sur l’hiloire du cockpit.
Une vingtaine d’années avant la construction des premiers BOD en composite, en 1961, les voiles en polyester avaient été autorisées. En dehors de ces deux grands changements, le conservatisme et la volonté de simplicité de la classe prévalent toujours. Les velléités de BOD en carbone ou de voiles plus modernes ne sont pas à l’ordre du jour.
Certains ayant exprimé des réserves sur les formes de Meganser, la classe approuve en 1990 la réalisation d’un second moule par les constructeurs Kingsley Farrington et Nick Truman, sous la supervision de l’architecte naval David Cannell. Kingsley Farrington, auteur de yachts de croisière pour les Broads, les Farrington 25 et 30, avait déjà lancé avec succès une version en polyester armé du Yare & Bure One Design, un quillard houari de 6,10 mètres dessiné en 1908 et initialement construit en bois.
En vérifiant sa conformité aux spécifications de formes et de répartition des poids de la main de Linton Hope, les deux constructeurs se basent sur le BOD no 26 Shearwater, tandis que le premier moule reproduisait les formes du bod no 12, Bittern – peut-être un peu afaissé, et présentant dès lors une ligne de flottaison très légèrement allongée. La coque du BOD no 36, Razorbill, sera la première à émerger du nouveau moule, qui par la suite a donné naissance à une cinquantaine d’unités supplémentaires.
Tout l’accastillage métallique des nouveaux bateaux a été coulé dans des moules qui reprennent l’empreinte de pièces de Spoonbill et Shearwater. Dans l’hypothèse – jugée improbable – où quelqu’un souhaiterait faire construire un nouveau BOD en bois, un jeu de gabarits complets est disponible, grâce à la prévoyance de Nick Truman et Richard Debenham, qui se sont basés sur un exemplaire du plan original pour les fabriquer en 1962. Nick est aussi parvenu à acquérir le moule original de la quille en plomb.
Querelles de gelcoat au pays des « bateaux bruns »
Les œuvres mortes de Razorbill, à Tony Truman, d’un blanc éclatant, causent un émoi considérable au sein de la classe, ayant été entendu que la nouvelle génération des BOD se devrait de reproduire les anciens d’aussi près que possible, y compris dans leur allure. L’usage d’un pigment brun pour teinter le bordé avait été retenu pour la coque de Meganser, mais ce bateau détonnait tout de même au milieu de ses prédécesseurs aux coques vernies rutilantes, et on ne pouvait se méprendre sur la différence de matériaux du bordé. Les Yare & Bure One Designs avaient éludé ce problème en entrant dans l’ère du polyester, car les coques des anciennes unités en bois, peintes en blanc, ne se distinguaient en rien des autres, vues de loin.
Razorbill satisfait aux nouvelles exigences drastiques de la classe, à l’exception de cette couleur incongrue…. Exclu, il est réduit à régater, les premiers temps, dans la flottille des « quillards divers ». L’avenir du bateau sera finalement tranché par un vote des membres du club des BOD, qui décident en avril 1991 de permettre aux impétrants de choisir librement une couleur unique pour teinter ou peindre leur bordé.
Depuis, les œuvres vives des BOD ont été moulées en de multiples nuances, du bleu au noir, du rouge bordeaux au gris et au vert. À noter que Razorbill n’était pas, en fait, le premier BOD doté d’œuvres vives blanches. Une photographie ancienne reproduite dans un ouvrage de Jamie Camp-bell retraçant l’histoire du RN&SYS, montre qu’au moins un des tout premiers bateaux de la classe était laqué de blanc : ce cliché de 1902 tiré de la collection de Tod Corbett montre un BOD blanc en régate contre un autre, vernis, sur Oulton Broad. Malheureusement, l’identité de ce BOD blanc reste mystérieuse, car les numéros de voile ne seront adoptés qu’en 1912 dans la série, et il est impossible ici d’identifier le pavillon de régate attribué par le club au bateau – une autre particularité qui persiste aujourd’hui.
Les « voileux » de haut niveau plébiscitent et rajeunissent le BOD
Les BOD réunissent des coureurs dont le palmarès est impressionnant, au-delà de la classe elle-même, comme celui de Nick Truman, le seul coureur en Dragon à avoir remporté à la fois l’Edinburgh Cup et la Dragon Gold Cup. Sir Timothy Colman est quant à lui détenteur du record du monde de vitesse à la voile de 1972 à 1988 ; son équipage à bord de ses Crossbow et Crossbow II compte alors le champion olympique Tim Whelpton, qui navigue également en BOD. Idem pour Jimmy Tubby, champion de Grande-Bretagne en Squib et en 707, ou Stu Rix, multiple champion dans les quarante dernières années, que ce soit en Javelin, en Squib, ou en Melges 24.
Pour expliquer son goût pour les BOD, Stu Rix explique : « Mon père et moi avons toujours été adeptes de cette série ; ses belles lignes, son gréement bien proportionné, et sa polyvalence en navigations intérieures ou en mer ont toujours eu de quoi séduire. Le “bateau brun” est très bien équilibré, que ce soit tout dessus ou bien arisé dans un vent de force 5 ou 6. Il passe superbement dans les vagues, quitte à offrir une balade un peu mouillée à l’équipage !
« Du coup, quand l’occasion s’est présentée, il y a vingt ans, d’acquérir le BOD no 49, Guillemot, on a sauté dessus. Nous avons couru avec Guillemot pendant dix ans, profitant de la mer au départ du RN&SYS, et aussi sur les Norfolk Broads. Puis le temps est venu pour le bateau et moi de partir à l’aventure dans le Sud de la France, où nous avons navigué ces huit dernières années. Au départ de Cannes, les croisières à la journée à travers la baie, vers l’Est ou vers l’Ouest, sont toujours des moments de voile merveilleux, et chaque balade dans les îles de Lérins est tout simplement un délice. Le BOD est aussi à l’aise sur les lacs et les rivières que sur la rude mer du Nord ou dans les eaux bleues de la Méditerranée. »
Nic Asher, double champion du monde de 470, qui court maintenant en 52 Super, sur le circuit des Melges 24 et avec les Fast 40 britanniques, est la dernière recrue sur cette liste distinguée de coureurs propriétaires de BOD. Comme Stu Rix, Nic est un admirateur de longue date des BOD. Il a pris la barre de l’un d’eux pour la première fois en 1994, à l’âge de neuf ans, lors d’une régate de la Semaine d’Oulton Broad, et il a fini par sauter le pas pour de bon en achetant le no 62 Little Auk en septembre dernier, avec son frère Simon et Chris Schonhut, rejoignant le nombre croissant de jeunes navigateurs de la flottille. Si les circonstances le permettent, le trio se réjouit de courir, cette année, à la Semaine de la mer de Lowestoft et à la Semaine d’Oulton Broad, l’un des temps forts de la saison des BOD avec celle de Wroxham Broad, qui réunit habituellement une trentaine d’unités. La flottille régate toujours en mer également, avec une vingtaine de concurrents réguliers à la Semaine de la mer de Lowestoft, et à peine moins de participants pour la course annuelle entre Lowestoft et Southwold.
BOD part en vadrouille
La taille et le poids des BOD font qu’ils sont faciles à remorquer derrière une voiture familiale, ce qui a poussé pas mal de propriétaires à acquérir une remorque de route pour aller de club en club ou pour hiverner et entretenir le bateau chez eux, dans leur garage. Cette tendance, ajoutée à la polyvalence du bateau, a permis à des groupes de propriétaires de voyager au loin pour quelques jours de régates conviviales dans un décor renouvelé. Ces vingt dernières années, ces voyages annuels ont fait alterner les destinations au Royaume-Uni et dans le reste de l’Europe, de Cannes à la Baltique, en Hollande, en Irlande ou sur le lac de Windermere. Ces voyages sont généralement des visites à des connaissances, mais la série est ouverte à toutes les invitations d’autres clubs !
C’est ainsi que le club des BOD s’est donné rendez-vous, cet été, dans le Finistère, où il entend courir, si les contrariétés sanitaires le permettent, sous l’égide de la Société des régates de la baie de Douarnenez.
En dépit de sa polyvalence, le BOD ne s’est pas beaucoup diffusé au-delà de ses eaux natales, quoique quelques unités soient basées à l’étranger, dont le no 19, Grebe, et le no 42, Drenec, qui ont été vendus en Italie. L’un des membres de la classe qui a voyagé le plus loin est le no 10, Snipe, envoyé en Californie en 2016. Son copropriétaire, Nick Mockridge, est originaire des Broads, et il a acquis le bateau avec sa sœur Rachel Clayton et son mari Simon. Snipe est à présent basé à Santa Barbara. Comme l’explique Nick, « naviguer sur les eaux ouvertes du Pacifique, sans rien entre Santa Barbara et l’Antarctique, c’était une nouveauté pour cette vieille dame pleine de grâce. Ce n’est pas non plus une affaire de petits joueurs, car si le Pacifique peut bien mériter son nom, il a vite fait de lever des houles de 5 mètres, roulant depuis le Sud-Ouest, et plutôt impressionnantes, vues depuis le cockpit d’un BOD. Il y a de quoi intimider les moins téméraires d’entre nous. Mais en vérité cette houle est si longue et si paresseuse qu’elle offre une douce et exaltante plongée en remontant au vent, et de belles descentes écumantes au surf au portant. Combien d’entre nous peuvent dire qu’ils ont fait marcher leur BOD si fort que l’écume jaillissait, verticale, à 1,50 mètre de chaque côté de la coque ? Après ces surfs où le cœur s’arrête de battre vient la hantise non moins haletante que l’étrave plonge dans le creux qui approche, et continue tout droit jusqu’au fond de l’océan ! »
Au cours de son séjour américain, Snipe a aussi régaté à plus de 2000 mètres d’altitude, engagé dans la High Sierra Regatta sur le lac Huntington, dans les montagnes de la Sierra Nevada.
Bien avant Snipe, deux autres BOD avaient également été envoyés Outre-Atlantique. Le no 8, Dotterel, a été expédié aux Antilles en 1950, tandis que le no 11 Avocet atterrissait à San Diego en 1963. Hélas, ces deux bateaux font partie des cinq BOD qui ont été perdus – un nombre de pertes remarquablement faible pour une série aussi ancienne.
Sa longévité atteste bien des qualités du plan de Linton Hope, aussi bien que de l’engagement des propriétaires et des artisans qui la font vivre. Les perspectives d’avenir de la classe, qui compte aujourd’hui quatre-vingt-huit unités, n’ont jamais été meilleures, et l’arrivée d’une nouvelle génération de navigateurs promet de voir le BOD naviguer dans ses eaux natales pour de nombreuses années encore.
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