Homme libre, toujours tu chériras la mer !
La mer est ton miroir ; tu contemples ton âme
Dans le déroulement infini de sa lame,
Et ton esprit n'est pas un gouffre moins amer.
Tu te plais à plonger au sein de ton image ;La mer est ton miroir ; tu contemples ton âme
Dans le déroulement infini de sa lame,
Et ton esprit n'est pas un gouffre moins amer.
Tu l'embrasses des yeux et des bras, et ton coeur
Se distrait quelquefois de sa propre rumeur
Au bruit de cette plainte indomptable et sauvage.Vous êtes tous les deux ténébreux et discrets :
Homme, nul n'a sondé le fond de tes abîmes ;
Ô mer, nul ne connaît tes richesses intimes,
Tant vous êtes jaloux de garder vos secrets !Et cependant voilà des siècles innombrables
Que vous vous combattez sans pitié ni remord,
Tellement vous aimez le carnage et la mort,
Ô lutteurs éternels, ô frères implacables !
Charles Baudelaire
Ivan Konstantinovich Aivazovsky est
un peintre russo-arménien de Crimée qui, après ses années de formation à
St-Pétersbourg (1833-1837) et une période de voyages en Europe,
principalement en Italie (1840-1844), deviendra en 1845 le peintre
officiel de l'état-major de la Marine russe. Aivazovsky est un romantique qui a été admiré par Pouchkine dès
ses premières expositions à St-Pétersbourg. Il deviendra membre de
plusieurs académies dans les hauts lieux de la culture européenne. Gogol viendra le rencontrer à Venise. Turner lui-même aura l'occasion, à la fin de sa vie, de dire son admiration pour l'oeuvre d'Aivazovsky.
Aivazovsky s'est nourri en apprenant des grandes écoles classiques européennes: les Maîtres italiens, hollandais, allemands et français, principalement. Il admire surtout les tableaux de Claude Gellée, dit "le Lorrain". Il a beaucoup exposé aussi. Et puis, dans les années 1850, il embarque avec la Marine russe et l'accompagne dans ses missions, dans ses périples et ses batailles. Aivazovsky a vécu intimement la puissance et la beauté de la mer, il a vu les naufrages, la mort et les miracles. Il a une mémoire esthétique impressionnante, un regard qui perce la nature des choses et une brosse capable de ciseler une mer de dentelles. Ce qu'il a vu une seule fois, il le retient et peut le reproduire de mémoire à sa guise. La précision dont il fait preuve n'est d'ailleurs pas mise au service de la reproduction fidèle du réel. Cela importe peu, surtout dans la peinture maritime romantique. Non, l'extrême précision du trait est au service de l'âme de ce qui est peint.
Aivazovsky s'est nourri en apprenant des grandes écoles classiques européennes: les Maîtres italiens, hollandais, allemands et français, principalement. Il admire surtout les tableaux de Claude Gellée, dit "le Lorrain". Il a beaucoup exposé aussi. Et puis, dans les années 1850, il embarque avec la Marine russe et l'accompagne dans ses missions, dans ses périples et ses batailles. Aivazovsky a vécu intimement la puissance et la beauté de la mer, il a vu les naufrages, la mort et les miracles. Il a une mémoire esthétique impressionnante, un regard qui perce la nature des choses et une brosse capable de ciseler une mer de dentelles. Ce qu'il a vu une seule fois, il le retient et peut le reproduire de mémoire à sa guise. La précision dont il fait preuve n'est d'ailleurs pas mise au service de la reproduction fidèle du réel. Cela importe peu, surtout dans la peinture maritime romantique. Non, l'extrême précision du trait est au service de l'âme de ce qui est peint.
L'homme
n'est pas à la mesure de l'élément le plus présent et le plus puissant
de la surface de la Terre. En mer, l'homme est face à la vie et face à
la mort. Toujours le même face à face. Dans chaque tempête, le dernier
jour des marins semble arrivé. Mais à chaque fois subsiste l'espoir d'en
réchapper. La métaphysique du naufrage est celle du salut de l'âme.
Dans un naufrage, la mort peut ne pas être immédiate: s'il reste un
esquif, une chaloupe, un morceau de bois qui flotte... Les naufragés ont
d'abord vu la tempête se lever, la mer se déchaîner, les vagues comme
des murs qui s'abattaient avec fracas. Les âmes ont eu le temps de prier
tandis que la force monstrueuse s'emparait d'elles, elles se sont vues
mourir dans chaque tonnerre d'eau, elles ont vécu le sursis et la
résurrection à chaque vague. Il faut d'abord lutter contre la peur pour
conserver une chance de vivre, et puis ensuite, c'est force contre
force. La rage de la survie contre la puissance aveugle des lois de la
nature. L'espoir d'être encore porté par la grâce de Dieu, sain et sauf,
jusque sur la grève.
Tant
qu'il y a de la lumière dans les flots, tant que les vagues sont
translucides, Dieu est présent comme espoir. Demeurer lucide, demeurer
conscient, ne pas vendre son âme au diable. Dieu a fait que tu luttes
encore.
La vie est une tempête que l'homme ne soupçonne pas en temps ordinaires. C'est parce qu'il ne voit pas l'infinité de la lutte permanente des forces de la vie.
La vie, il lui a fallu naître et mourir des millions de fois. Le naufrage n'est que l'un des combats conscients de l'homme parmi mille autres dont il n'a pas même l'idée au sein même de son propre corps... Car l'homme est une autre mer, traversée par de vastes courants, et son sang, qui transporte en ses veines de frêles esquifs indispensables à la vie, subit lui aussi toutes les tempêtes de l'âme et du coeur. La mer est la réalité du combat de l'âme et de la vie, la mer est belle comme une tragédie.
La mer montre à l'homme par où la nature a dû passer, elle est l'écho lointain des forces aveugles qui ont présidé à la naissance de l'univers. Le berceau de la vie est la tempête des éléments. La mort n'est qu'une parenthèse dans la folie créatrice des mêmes éléments. Humain, tu as cru que tu étais quelque chose, mais la mer t'a appris que tu n'étais qu'une goutte d'eau dans un océan.
La vie est une tempête que l'homme ne soupçonne pas en temps ordinaires. C'est parce qu'il ne voit pas l'infinité de la lutte permanente des forces de la vie.
La vie, il lui a fallu naître et mourir des millions de fois. Le naufrage n'est que l'un des combats conscients de l'homme parmi mille autres dont il n'a pas même l'idée au sein même de son propre corps... Car l'homme est une autre mer, traversée par de vastes courants, et son sang, qui transporte en ses veines de frêles esquifs indispensables à la vie, subit lui aussi toutes les tempêtes de l'âme et du coeur. La mer est la réalité du combat de l'âme et de la vie, la mer est belle comme une tragédie.
La mer montre à l'homme par où la nature a dû passer, elle est l'écho lointain des forces aveugles qui ont présidé à la naissance de l'univers. Le berceau de la vie est la tempête des éléments. La mort n'est qu'une parenthèse dans la folie créatrice des mêmes éléments. Humain, tu as cru que tu étais quelque chose, mais la mer t'a appris que tu n'étais qu'une goutte d'eau dans un océan.
Le chaos est la matière indomptée, la matière où Dieu accomplira son geste. Car la matière, comme l'homme, est liberté.
Il fallait un univers à la démesure de l'homme, il fallait une puissance infinie. Car sans le vaste monde - qui n'est d'ailleurs plus rien dans la mort- qui rappellerait à l'homme sa petitesse et sa finitude? Et que pourrait connaître l'homme de lui-même et du Dieu?
C'est pourquoi la puissance divine parle à l'homme dans la puissance des éléments et que la paix n'est qu'un calme passager. Il en est ainsi, le Dieu se montre là où l'homme a d'abord fait naufrage. La foi en Dieu est une foi dans la tempête. Car la tempête est toujours en même temps la possibilité de son au-delà: cette tempête n'est rien, cette montagne n'est rien, il faut croire au-delà des éléments et au-delà de la mort.
Dieu ouvre la mer et le ciel, il sépare la terre et les eaux, il fait cela à chaque tempête, en toi et en dehors de toi, il te le dit à chaque naufrage auquel tu as survécu.
Dieu te dit: " tu es cette tempête et tu es ce naufrage."
Il fallait un univers à la démesure de l'homme, il fallait une puissance infinie. Car sans le vaste monde - qui n'est d'ailleurs plus rien dans la mort- qui rappellerait à l'homme sa petitesse et sa finitude? Et que pourrait connaître l'homme de lui-même et du Dieu?
C'est pourquoi la puissance divine parle à l'homme dans la puissance des éléments et que la paix n'est qu'un calme passager. Il en est ainsi, le Dieu se montre là où l'homme a d'abord fait naufrage. La foi en Dieu est une foi dans la tempête. Car la tempête est toujours en même temps la possibilité de son au-delà: cette tempête n'est rien, cette montagne n'est rien, il faut croire au-delà des éléments et au-delà de la mort.
Dieu ouvre la mer et le ciel, il sépare la terre et les eaux, il fait cela à chaque tempête, en toi et en dehors de toi, il te le dit à chaque naufrage auquel tu as survécu.
Dieu te dit: " tu es cette tempête et tu es ce naufrage."
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire