À Lorient, le Noé quitte la rade après 22 années à quai
Une figure du port de Lorient vient de s’en aller. Le Noé, ancien baleinier à quai depuis 22 ans, a enfin largué les amarres, ce lundi 1er août. Une seconde vie l’attend plus au sud.
Du haut de ses 63 ans, le Noé n’est plus qu’une épave rongée par la rouille. Avec son pont qui craque et ses cales lugubres, il a des allures de bateau fantôme. Son départ de Lorient, ce lundi 1er août après-midi, n’a pourtant laissé personne indifférent. Imaginez, cela faisait 22 ans que l’ancien baleinier était à quai. Plus qu’un navire de 61 m, un petit bout du décor qu’on imaginait immobile à jamais. Mais, à 14 h, encouragé par la corne de brume d’un bateau de la compagnie Océane assurant la liaison avec Groix, il a repris la mer. Enfin.
« On a cru plusieurs fois à son départ, on n’y croyait plus »
Un drôle de moment, même pour Denis Poulet. Des navires imposants, le pilote du port en a vu d’autres. Mais celui-ci occupe une place à part à Lorient. « J’ai commencé en 2004 et je l’ai toujours vu là ! » sourit-il, ravi de le voir revivre après tout ce temps. « On a cru plusieurs fois à son départ, on n’y croyait plus. Mais c’est vraiment très bien. On n’aime pas voir les bateaux rester vieillir à quai ». VHF en main, Denis Poulet dirige la manœuvre. Le Noé ne peut plus naviguer seul. Il faut le tracter. « C’est assez rare qu’on sorte un navire n’ayant plus de machines. Il faut éviter les embardées », confie le pilote entre deux messages adressés au Drenec et au Scorff, les deux remorqueurs mobilisés.
Comme son nom ne l’indique pas, le premier arrive spécialement de Gironde. Et il tracte le Noé direction Bordeaux, où il est attendu ce mardi 2 août après-midi, après environ 24 heures de navigation. En attendant, il contourne l’îlot Saint-Michel puis passe la citadelle de Port-Louis sans le moindre souci. L’ancien baleinier est usé, mais sa coque est solide. Plaisanciers, marins pêcheurs et même curieux à terre immortalisent la scène. Ils s’interrogent aussi sur l’avenir du Noé. « Il s’agit d’un bateau iconique du territoire. C’est symboliquement fort de le voir partir. Pour moi, c’est un soulagement, une joie et une excitation », glisse Renaud Barillet, celui qui a désormais la destinée du navire entre ses mains.
1,5 million d’euros pour le faire revivre
Le fondateur et directeur général du centre artistique La Bellevilloise s’est lancé à titre privé dans l’aventure en 2015. Avant lui, plusieurs projets ont été dans les tuyaux. L’ancien animateur d’Intervilles, Olivier Chiabodo, a voulu transformer le Noé en studio télé. L’entrepreneur Riaz Barday le voyait devenir un palace flottant à Madagascar. Finalement, tout est tombé à l’eau. Aujourd’hui, Renaud Barillet veut en faire un lieu pouvant accueillir des événements culturels et artistiques. Mais pas que. « L’idée, c’est de se diriger vers trois ou quatre activités : l’hospitalité avec bar, restaurant et guinguette ; une partie événementielle qui permettra de privatiser le bateau ; un volet programmation artistique et enfin en faire un lieu accueillant ateliers, conférences, expositions sur le thème de la transition environnementale ».
Le projet est ambitieux. Un budget d’1,5 million d’euros est prévu. Plusieurs mois de travaux sont programmés à Bordeaux. Ensuite, le Noé pourrait poursuivre sa mue à Rochefort ou à Lisbonne. Puis s’installer pour de bon au Portugal ou être déplacé de port en port pour créer l’événement.