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Le dernier voyage de Bernard Giraudeau




C'est l'histoire d'une vraie rencontre. Il y a six ans, après une série d'albums en solo, Christian Cailleaux rêvait d'une nouvelle aventure créative. Pour ce dessinateur voyageur, qui a longtemps vécu à Saint-Louis du Sénégal, le nom de Bernard Giraudeau s'impose alors comme une évidence. Admiratif de la façon dont l'acteur avait raconté l'Afrique dans son film «Les caprices d'un fleuve», il lui envoie ses albums. Une bouteille à la mer. Mais, à peine une semaine plus tard, Giraudeau l'invite à le rencontrer au festival Etonnants Voyageurs.

«Il a suffi de parler de voyages, de femmes, d'aventures, des mots et des livres qu'on aime, de déserts...», se souvient Cailleaux. L'acteur accroche tout de suite au projet et lui propose de lire son roman, «Le marin à l'ancre», pour y trouver le matériau de leur collaboration. Dès lors, le duo s'assoit régulièrement à la même table pour tricoter «R97», soit les aventures du jeune marin Théo, qui découvre le monde à bord de la « Jeanne d'Arc ».

L'album est une réussite, saluée par la critique. Pourtant, l'acteur n'était pas familier du monde de la BD. «Bernard aurait adoré savoir dessiner ; j'étais un peu le prolongement de son bras, explique Cailleaux. Mais il était d'une vraie exigence dans l'écriture et le scénario: les effets faciles, l'esbroufe, il n'en était pas question avec lui. Il me faisait retirer les cases inutiles.» Les deux complices, qui partagent les mêmes envies, ne pouvaient en rester là. Ils s'attellent alors aux «Longues traversées», une histoire moins virile, plus sensuelle, où il est question d'amours envolées, de Diego l'Angolais échoué à Lisbonne et d'une guerrière sur le fleuve Amazone.

Si ce n'est pas la suite à proprement parler de «R97», on y retrouve Théo, le double de Giraudeau. «Bernard s'en défendait, s'amuse Christian Cailleaux. Mais lorsque, parfois, j'improvisais à partir de ses souvenirs, il se récriait: "Non, non, ça ne s'est pas passé comme ça!"» Même gravement malade, Giraudeau n'a jamais songé à rester à quai. Quelques jours avant sa mort, durant l'été 2010, il mettait encore la dernière touche au texte et au scénario de l'album. «J'avais tout ce qu'il fallait de sa part, explique Cailleaux. Il ne me restait que quelques dessins à faire et la mise en couleurs.»

Les deux amis avaient encore mille histoires à partager: celle d'une fanfare merveilleuse au Chili ou de mineurs en Amérique du Sud... Avant de reprendre son travail en solo, Christian Cailleaux tient d'ailleurs à «refermer la boucle des marins» pour rendre un dernier hommage à son ami. «Je vais poursuivre mon dialogue avec lui, à travers un album dont le héros sera le fils de Théo. Même s'il n'y aura plus que ma voix, elle sera désormais riche de celle de Bernard.»

«Les longues traversées», de Christian Cailleaux, éd.Dupuis.





Un article du ParisMatch


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