Simple village de pêcheurs jusqu’à la fin des années 1850, Otaru a connu la richesse grâce aux navires marchands et aux échanges commerciaux avec le reste de l’archipel. Aujourd’hui, la ville attire de nombreux touristes japonais et étrangers venus profiter de la qualité de son patrimoine architectural mais aussi de sa douceur de vivre.
©️Otaru Museum of History and Nature
Aux yeux du promeneur néophyte, le paysage a tout de celui d’une agréable ville de province. D’un côté, le canal et sa promenade. Illuminée le soir, celle-ci est le point de ralliement des jeunes couples, des visiteurs d’un jour et des flâneurs. Ici et là, des terrasses invitent à la détente, ajoutant encore à la quiétude des lieux. De l’autre, de longs entrepôts et d’imposantes bâtisses de pierre se succèdent le long de l’avenue Rinkosen, pour certains transformés en cafés ou en boutiques de souvenirs. Trop imposants, démesurés, ils mettent la puce à l’oreille. Otaru n’a pas toujours été la tranquille cité qu’elle est aujourd’hui. Il n’y a pas si longtemps, ces rues et ces boulevards où l’on se balade si paisiblement ont frémi sous les pas pressés d’hommes d’affaires et de lourds chargements. À Otaru, on le pressent, s’est écrite non seulement l’histoire de Hokkaido mais aussi un peu celle de l’archipel tout entier.
L’histoire d’Otaru commence à la seconde moitié du XIXème siècle. Hokkaido n’est alors qu’une terre lointaine et inexploitée. L’île est la patrie des Aïnous, ces populations aborigènes qui vivent principalement de la pêche et de la chasse. Un mot à lui seul résume le changement qui va transformer Otaru et en faire l’une des cités les plus prospères de Hokkaido : kitamae-bune, nom donné aux navires de commerce qui relient alors la ville aux principaux ports de la mer du Japon et à Osaka, alors considérée comme le centre économique du Japon. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : de 1000 habitants en 1865, la population passe à plus de 2000 trois ans plus tard, 15000 en 1887 et bientôt plus de 60 000 au tournant du XXème siècle. Un produit surtout explique cette brusque croissance et la richesse qui l’accompagne : le hareng. Présent en abondance dans les mers de Hokkaido, le poisson fait la richesse des armateurs, amenant à Otaru toute une population de marins et de commerçants venus profiter de cette manne. Plus que pour sa consommation alimentaire, si le hareng se vend si bien, c’est parce qu’il est transformé en produits divers et notamment en « nishin-kasu », un engrais très recherché et utilisé dans les champs de coton et d’indigo de l’ouest de l’archipel, à Okayama notamment.
©️Otaru Museum of History and Nature
©️Otaru Museum of History and Nature
Devenue soudain prospère, la ville commence sa transformation. Elle est reliée par le chemin de fer qui permet de transporter jusqu’au port les marchandises d’abord, puis bientôt les habitants. Des entrepôts sont construits à la hâte, bâtis pour abriter les marchandises en attente de transport. Sur leur charpente faite de bois viennent se greffer façades et murs de pierres, plus à même de résister aux incendies, la grande crainte des riches propriétaires. Puis c’est au tour des banques, en pierres elles aussi, de faire leur entrée à quelques pas de là. De lourds coffres-forts y veillent sur la richesse accumulée. Population qui explose, richesses qui s’accumulent : bientôt c’est la ville elle-même qui prend ses aises et devient sophistiquée. Les premières boutiques de mode ouvrent leurs portes en même temps ou presque que les cafés et restaurants, tous plus chics et modernes les uns que les autres Le plus légendaire d’entre tous, élevé comme par magie sur le flanc d’une falaise, est emporté par un incendie en 1952. C’est la fin d’une époque. Les harengs se font plus rares. Quant aux navires de commerce, ils laissent la place à des engins plus modernes.
©️Otaru Museum of History and Nature
Aujourd’hui, si les filets de pêche et les navires commerciaux ont quasi déserté les lieux, Otaru ne manque pas d’atouts et sa richesse est à l’évidence plus durable : c’est son histoire et son patrimoine architectural, que viennent découvrir chaque année plus nombreux des touristes venus de tout l’archipel et souvent même d’au-delà des frontières. Loin de la démesure de Tokyo et de la solennité de Kyoto, ils trouvent à Otaru un Japon qui se laisse explorer au rythme tranquille de la marche. Le plus beau symbole de cette renaissance est sans conteste le canal. Un temps promis à la démolition, c’est à dix années de débats animés et à une mobilisation citoyenne qu’il doit finalement sa survie.
Un demi-siècle plus tard, quoi de plus agréable que d’y flâner, d’entrer par exemple dans la charmante boutique de souvenirs Unga Plus – tel un voyage immobile, on y trouve des spécialités des différents ports que desservaient en leur temps les kitamae-bune – ou de prendre le temps de s’attabler dans l’un des cafés et restaurants qui ont investi les entrepôts, banques et autres bâtiments d’époque ? Hokkaido vit au rythme de ses saisons et ainsi va Otaru, qui se pare de blanc lorsqu’arrive l’hiver, souvent dès la fin novembre.
Quelques recommandations pour finir. Notre ballade ne serait pas complète sans la visite des bâtiments qui ont fait Otaru. Trois lieux exceptionnels qui racontent la ville en même temps qu’ils en sont devenus les symboles. Otaru en trois étapes, ou un itinéraire pour conjuguer Histoire, art et architecture.
Otaru Nishin Goten
Le Nishin Goten (littéralement « le palais du hareng ») de la ville d’Otaru est une spacieuse construction de bois érigée en 1897 avant d’être déplacée et restaurée à son emplacement actuel, sur le front de mer, en 1958. En 1960, l’endroit a été la première propriété privée de Hokkaido à être désignée comme “bien culturel matériel de Hokkaido – bâtiment de pêche”. Aujourd’hui transformé en musée, le lieu abrite des outils autrefois utilisés pour la pêche et la transformation du hareng. Des photographies de personnes y ayant vécu sont également exposées.
Adresse : 3-228 Shukutsu, Otaru, Hokkaido
Ginrinsou
Ginrinsou, c’est en fait l’ancienne résidence de Yasunojo Inomata, un homme d’affaires célèbre pour avoir fait fortune dans la pêche de hareng. Déplacée au sommet d’une colline qui surplombe le port d’Otaru en 1938, la somptueuse bâtisse – qui est aussi le seul palais de hareng du Japon ouvert au public – fait aujourd’hui office de restaurant et d’auberge. L’endroit est notamment connu pour son onsen, sa « source chaude », si agréable en extérieur. L’architecture du bâtiment, dont l’histoire raconte qu’il aurait été construit en trois ans et en utilisant quantité de bois différents, est luxueuse jusque dans ses moindres détails.
Adresse : 1-1 Sakura, Otaru, Hokkaido
www.ginrinsou.com/en/The Old Aoyama Villa
Un pur trésor, un lieu à visiter absolument. L’ancien Aoyama Bettei c’est d’abord le symbole d’une richesse absolue et le cadeau d’un père à sa fille. Lui s’appelle Masakichi Aoyama. Avec son père, Tomekichi, il est devenu l’une des principales fortunes de la pêche au hareng. Sa fille, elle, s’appelle Masae. Elle n’a que 17 ans quand les travaux commencent et en aura 24 quand ils s’achèveront. Parmi tous les joyaux à trouver ici, on citera la salle au plafond fleuri de 138 peintures et les jardins – à eux seuls ils justifieraient le voyage. Un endroit à ne pas manquer pour les esthètes comme pour ceux et celles qui aiment l’art japonais et les pièces d’antiquité.
Adresse : 3-63 Shukutsu, Otaru, Hokkaido
www.otaru-kihinkan.jp/en/
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