En avril 1912, dans les jours qui suivent le naufrage du Titanic,
la presse publie plusieurs récits de la catastrophe de la part
de rescapés. Des témoignages toujours glaçants plus d'un siècle après.
Dans la nuit du 14 au 15 avril 1912 a lieu l'une des plus terribles catastrophes du XXe siècle : le paquebot le Titanic, parti quatre jours plus tôt de Southampton, fait naufrage au large de Terre-Neuve, dans l'Atlantique Nord, après avoir heurté un iceberg.
La presse, relayant des informations erronées, annonce d'abord que tous les occupants ont pu être sauvés. En réalité, comme on l’apprendra bientôt, sur les quelque 2 200 passagers, 700 environ seulement ont survécu. Secourus par le navire le Carpathia, ils sont amenés le 18 avril à New York, où 40 000 personnes et toute la presse les attendent.
Dès le 20 avril, dans les journaux français, les premiers témoignages des rescapés paraissent. Le Petit Parisien publie ainsi plusieurs récits glaçants de la nuit du drame. Le Londonien Lawrence Beesley raconte comment il a pu, par chance, être évacué dans un canot de sauvetage :
La presse, relayant des informations erronées, annonce d'abord que tous les occupants ont pu être sauvés. En réalité, comme on l’apprendra bientôt, sur les quelque 2 200 passagers, 700 environ seulement ont survécu. Secourus par le navire le Carpathia, ils sont amenés le 18 avril à New York, où 40 000 personnes et toute la presse les attendent.
Dès le 20 avril, dans les journaux français, les premiers témoignages des rescapés paraissent. Le Petit Parisien publie ainsi plusieurs récits glaçants de la nuit du drame. Le Londonien Lawrence Beesley raconte comment il a pu, par chance, être évacué dans un canot de sauvetage :
« Je m'étais couché depuis dix minutes, lorsque vers 10 h 15, je sentis un petit choc, puis un second pas assez sérieux pour inquiéter personne. Cependant les machines s'arrêtèrent. J'allai sur le pont et j'y trouvai quelques autres passagers venus comme moi savoir pourquoi le vapeur s'était arrêté. Mais personne ne semblait inquiet […].
Un peu plus tard, entendant d'autres passagers monter sur le pont, je m'y rendis de nouveau, et je trouvai que le vapeur inclinait vers l'avant. Je redescendis et m'habillai plus chaudement. Comme je m'habillais, j'entendis crier l'ordre : “Tous les passagers sur les ponts avec les ceintures de sauvetage” [...].
Quelqu'un de l'équipage me vit et demanda : Y a-t-il des dames sur votre pont, monsieur ? Je répondis non. Le marin dit alors : “Vous pouvez bien sauter.” Je tombai dans le fond du bateau qui commençait à descendre. Deux dames furent poussées à travers la foule, du pont B, et jetées dans le bateau. Un bébé de dix mois suivit.
La nuit était belle et étoilée, mais sans lune, il n'y avait pas de lumière. La mer était calme. À une certaine distance le Titanic paraissait énorme ; les salons étaient étincelants de lumière. Il était impossible de croire qu'il pourrait arriver un désastre à un pareil Leviathan. Vers deux heures, nous vîmes le Titanic s'enfoncer dans la mer très rapidement ; l'avant et le pont furent complètement sous l'eau, le vapeur se leva sur toute sa hauteur verticalement ; les lumières qui avaient brillé tout le temps s'éteignirent, les machines roulèrent à travers le vaisseau avec un bruit qu'on aurait pu entendre à plusieurs milles de là […].
Puis dans une plongée oblique, il disparut : nos yeux avaient vu pour la dernière fois le vaisseau gigantesque sur lequel nous avions quitté Southampton.
Puis le son le plus épouvantable, que l'oreille de l'homme ait jamais entendu retentit : c'étaient les cris de centaines de nos semblables luttant dans l'eau glaciale avec l'espoir d'être sauvés, cris qui, nous le sûmes plus tard, ne trouvèrent pas de réponse. Nous désirions vivement aller au secours de ceux qui nageaient, mais nous sentions qu'en ce faisant nous aurions fait chavirer notre bateau et nous serions tous morts. »
Toujours dans Le Petit Parisien, une autre passagère, qui a perdu son mari dans la catastrophe, livre son récit :
« Mme Edgard Meyer, de New-York, fait l'éloge de tous les officiers et de tous les hommes qui se trouvaient à bord du Titanic. Son mari fut noyé. Comme elle voulait rester près de lui, il la plaça de force dans un canot, en lui rappelant qu'il fallait qu'elle vive pour leur enfant de neuf ans, qui était resté chez eux. Mme Meyer et une jeune Anglaise qui se trouvait avec elle sur le bateau ramèrent pendant quatre heures et demie.
“Nous étions loin du Titanic quand il sombra, déclarent-elles, mais nous pouvions entendre les cris d'horreur et d’angoisse de ceux qui étaient restés à bord. Sur le Carpathia, où nous étions environ soixante-dix veuves, le capitaine et les passagers firent tout ce qu'ils purent pour nous. Mme Marivin, de New-York, qui faisait son voyage de noces, apprit avec terreur, en arrivant hier à New-York, que son mari n'avait pas été sauvé par les autres paquebots.
Quand je suis montée dans le canot de sauvetage, dit-elle, mon mari me cria : ‘Tout va bien, ma chérie. Pars, je resterai.’ Il m'envoya un baiser, et depuis je ne l'ai plus revu.” »
Le même jour, La Petite République publie l'histoire spectaculaire de l'opérateur radio du Titanic, âgé de 22 ans :
« Le télégraphiste, M. Harold Bride, dit qu'il venait pour relever son chef, M. Philipps, au poste de télégraphie sans fil, lorsque le capitaine Smith, pénétrant dans la cabine, dit à M. Philipps :
– Nous venons de nous heurter à un iceberg. Ce que vous avez de mieux à faire, c'est de vous tenir prêt à lancer un appel de secours, mais ne l'envoyez pas avant que je vous le dise [...].
Il nous fallut longtemps encore pour que nous nous rendissions enfin compte que c'était vraiment sérieux. Jamais de ma vie je n'oublierai la façon dont Philipps, mon chef, travailla pendant cette terrible quinzaine de minutes ; je lui passai sous les aisselles une ceinture de sauvetage sans qu’il cessât de travailler [...].
Eu revenant à la cabine, j’aperçus un chauffeur ou quelque autre homme de l'équipage qui, se penchant au-dessus de mon chef, toujours à l'appareil, essayait de lui arracher sa ceinture de sauvetage. Alors, j’ai fait mon devoir ; j’espère bien avoir étendu raide ce gredin ; je l’ai laissé gisant sur le parquet de la cabine. Le télégraphiste Philipps courut à l’arrière : je ne l'ai pas revu.
À ce moment, la musique du bord jouait un air populaire et facile. J'aperçus sur le pont un bateau portatif [...] lorsque je fus balayé par une vague qui m'emporta avec le bateau, celui-ci s’était retourné et, j’étais pris dessous ; mais je parvins cependant à me dégager. Tout autour de moi, des centaines d'hommes flottaient, soutenus par des ceintures de sauvetage. Je nageai de toutes mes forces pour m'éloigner du Titanic, qui coulait. J'en étais peut-être à une cinquantaine de mètres, lorsque le Titanic disparut, barrière en l’air.
Enfin, je parvins à me cramponner au bateau portatif. La scène autour de moi était terrible : des hommes nageaient, d’autres s’enfonçaient. Avec plusieurs autres hommes qui, comme moi, avaient réussi à prendre place dans le bateau portatif, nous récitions des prières. Enfin on nous prit à bord d'un bateau de sauvetage […]. »
Dans le même numéro, c'est un
militaire américain, le colonel Gracie, qui livre l'un des témoignages
les plus poignants du drame :
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Pour en savoir plus :
Gérard Piouffre, Le Titanic, vérités et légendes, Perrin, 2018
Archibald Gracie, Rescapé du Titanic, Editions Ramsay, 1998
« Le colonel Gracie, de l’armée américaine, au moment où le Titanic coulait, sauta à la mer du haut du pont supérieur et fut aspiré par les eaux [...].Enfin, un certain M. Thorton raconte les derniers instants d'un couple de millionnaires, M. et Mme Isidore Strauss (le mari étant propriétaire des grands magasins Macy's à New York), qui refusèrent de monter à bord des chaloupes :
“Je me mis à prier et à prier sans cesse pour obtenir d’être sauvé, quoique je fusse convaincu que ma mort était proche. J’eus les plus grandes peines du monde à retenir mon souffle avant de revenir enfin à la surface. Je savais que si jamais j'aspirais l'eau, je mourrais suffoqué. Je nageai éperdument pour remonter à la surface. Enfin, j’arrivai à l’air libre après ce qui me parut l’espace d’un siècle.
Je n’avais rien devant les yeux, rien que la nappe de l'Océan, piquée de glaçons et sillonnée de grandes masses d’épaves flottantes, et, de tous côtés, des hommes et des femmes, les uns déjà en proie aux affres de la mort, les autres gémissant et pleurant à fendre l’âme. Le second officier et un M. Thayer, qui nageaient près de moi, me dirent qu’un instant avant que ma tête émergeât des profondeurs de la mer, une des cheminées du Titanic s’était effondrée et était tombée près de moi, dispersant les corps qui flottaient.
Partout, je voyais des épaves ; je me cramponnais à tous les débris à la portée de ma main, passant d'une épave à une autre. J’arrivai à un radeau, qui fut bientôt si encombré qu’il semblait devoir couler si un plus grand nombre de personnes l'abordaient. Il fut donc décidé qu’on refuserait à toute personne de s'en approcher. Ce fut la scène la plus pathétique et la plus horrible qu’on puisse imaginer. J’entends encore à mes oreilles les cris lamentables de ceux que nous refusions.
Nous criions à tous ceux qui tentaient de s’approcher : ‘Cramponne-toi, mon vieux, du mieux que tu pourras, à ce que tu as sous la main, car un seul de plus sur le radeau serait la perte de nous tous.’ Beaucoup de ceux-ci nous saluaient en allant à la mort d’un : ‘Bonne chance, bonne chance, et que Dieu vous bénisse !’ [...]
Nous occupâmes toute notre nuit à réciter des prières ; il n’y eut pas un seul instant où des prières ne s'élevassent au-dessus des flots. Des hommes parmi nous qui, depuis des années, avaient oublié leur créateur, se rappelaient les prières de leur plus tendre enfance et se mettaient à les répéter. Combien de fois ne répétâmes-nous pas tous ensemble le Pater, pendant les angoisses de cette nuit terrible.” »
« “Le vieux couple, dit-il, se tenait par le bras sur le pont des premières, impassible et très calme au milieu de la lutte de centaines de personnes devant les embarcations. Le vénérable M. Strauss rassurait tendrement la compagne de toute sa vie, et aucun d'eux ne fit la moindre tentative pour atteindre les canots.Environ 1 500 personnes périrent lors du naufrage du Titanic. L'enquête qui suivit la catastrophe révéla que le navire ne possédait pas un nombre de canots de sauvetage suffisant et que l'équipage n'était pas préparé à gérer une situation aussi dramatique.
Mme Strauss regardait son mari dans les yeux, et le tableau de ces deux vieux, serrés l’un contre l'autre, alors que la mort approchait, fut un des plus beaux tableaux que j'aie vus. Ces deux vieillards se tenaient debout, attendant avec calme une mort qu'ils savaient inévitable. Les marins tentèrent un moment de les séparer, cherchant à faire prendre place à Mme Strauss dans une des embarcations. Mais elle s'y refusa, ne voulant pas quitter son mari. Les marins l'abandonnèrent alors pour courir à d'autres.
Alors que les bateaux de sauvetage s'éloignaient, on put voir le vieux couple se tenant toujours par le bras. M. Strauss, se penchant vers sa vieille compagne, lui donna un long baiser d'adieu. »
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Pour en savoir plus :
Gérard Piouffre, Le Titanic, vérités et légendes, Perrin, 2018
Archibald Gracie, Rescapé du Titanic, Editions Ramsay, 1998