Naufrage: Il y a 40 ans, un géant de fer s’échouait à Saint-Guénolé


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Steven Lecornu

C’est l’un des plus spectaculaires événements maritimes recensés dans le Pays bigouden. Il y a 40 ans, le 13 décembre 1978, un dock caréneur de près de 200 m venait s’échouer sur les rochers de Saint-Guénolé, à quelques mètres du port. Flash-back.

Il est 18 h 45, ce mercredi 13 décembre 1978. Un bruit assourdissant fait trembler tout Saint-Guénolé. Robert Bouguéon est l’un des tout premiers a découvrir l’impensable. Un navire, de près de 200 m de long et 45 m de large, vient de s’échouer à quelques dizaines de mètres de sa maison située à Poul Briel. « C’était incroyable », se remémore, toujours avec stupéfaction, 40 ans plus tard, l’ancien patron pêcheur. L’imposant bâtiment, au faible tirant d’eau (1,50 m), a littéralement glissé sur les rochers. Il s’est échoué à quelques mètres seulement de la route.

Dans une mer de force 7 à 8

Ce dock caréneur flambant neuf de 6 800 tonnes fait route, depuis quelques jours, depuis l’Allemagne Fédérale (RFA) vers le Pérou. À son bord, un important matériel notamment deux vérins, des moteurs neufs, ou encore une barge de 35 m. Non motorisé, il est tiré par deux bateaux, l’un néerlandais et l’autre panaméen. Ballottées par la tempête, poussées par des vents violents au large des côtes bretonnes, les remorques cèdent à plusieurs reprises. Le plan Aztèque est déclenché. Une équipe d’intervention composée de onze techniciens est treuillée à bord par un Super Frelon de la base aéronavale de Lanvéoc-Poulmic.
On est passé tout proche de la catastrophe
Le mardi 12 décembre, après plusieurs tentatives de remorquage, la situation est hors de contrôle. La mer de force 7 à 8 et les vents de 35 à 45 nœuds sont indomptables. Le lendemain matin, le dock flottant, livré à lui-même, continue de dériver dangereusement vers Penmarc’h. Il s’échoue finalement quelques heures plus tard entre les rochers « La tête de cheval » et « Les oreilles de lapin », à une cinquantaine de mètres du port. « Une chance qu’il ne l’ait pas bloqué, commente Robert Bouguéon. À cette époque, la pêche était florissante, Saint-Guénolé comptait 200 bateaux. On est passé tout proche de la catastrophe ». L’onde de choc a secoué le Pays bigouden tout entier.
« Je sentais comme une odeur de fioul jusqu’à chez moi », se souvient le photographe Roland Chatain, installé à Plomeur, à quelques kilomètres de l’échouement. Ce dernier se rend sur place dès le lendemain, jeudi 14 décembre. Il est certainement le premier à avoir immortalisé sur pellicule cette scène totalement surréaliste. « Le dock était encore intact », se rappelle-t-il. Il a raconté ce naufrage plus tard dans un ouvrage « Tempêtes & naufrages en pays Bigouden ».
Les jours qui suivent, une foule immense de badauds se précipite à Saint-Guénolé observer le spectacle. « C’était de la folie, il y avait des voitures garées jusqu’au bourg de Plomeur?! Je ne pouvais même plus sortir de chez moi », raconte Robert Bouguéon. Cette effervescence profite au commerce local. Une aubaine qui permet de prolonger la saison touristique.
Côté sécurité, un périmètre tarde à être dressé. Des curieux en profitent pour monter à bord du géant de fer. De nombreux vols y sont commis. On note notamment la disparition de cuivre et autres métaux de valeur ainsi que divers objets. L’accès est rapidement interdit et des gardiens veillent jour et nuit. Deux mois plus tard, dans la nuit du 12 au 13 février 1979, une nouvelle tempête sévit et casse le dock en plusieurs morceaux. Le colosse est à l’agonie. La société parisienne Baroukh, spécialisée dans la récupération, rachète le bâtiment pour en assurer la démolition.

Une grue géante

Le chantier est immense. Aux grands maux, les grands remèdes ! Afin de démanteler le dock, une grue géante en provenance de Valenciennes (59), est rapidement déployée sur place. Seulement deux engins de ce type existait alors en France. Ses dimensions sont à la mesure de la tâche à accomplir : elle possède un mât de 35 m et une flèche de 55 m et peut soulever jusqu’à 100 tonnes. Pour son transport, en convoi exceptionnel, 16 porte-chars sont utilisés. Une équipe de 15 à 20 personnes était entièrement dédiée à son fonctionnement.
Quant à la barge que transportait le dock, elle a été récupérée pour être modifiée par les chantiers Piriou à Concarneau en 1979. Elle est arrivée en 1981 à l’île de Batz dans le Nord-Finistère afin d’assurer le ravitaillement en fret entre Roscoff et l’île. La barge baptisée « François André » est toujours en service. Elle peut transporter jusqu’à 150 tonnes de marchandises : matériaux de construction, palettes de légumes, engins de chantier, animaux…
Le chantier, qui devait initialement durer quelques mois se prolongea pendant deux ans. Près de 50 personnes sont embauchées pour effectuer les opérations de découpage. Elles devaient initialement durer quelques mois. Mais le démantèlement s’est prolongé jusqu’en 1980. Quarante ans plus tard, des morceaux de ferraille provenant de la carcasse du mastodonte refont régulièrement surface. Des traces indélébiles de son passage. Comme s’il ne voulait pas mourir.

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