Premiers Amérindiens : la voie pacifique se confirme


 

Ils ne sont pas passés par l’intérieur des terres ! C’est la conclusion qui s’impose après une datation définitive de l’ouverture du « corridor terrestre » à travers les glaciers nord-américains, par lequel sont censés être passés les ancêtres de la population amérindienne après avoir traversé la Béringie, le pont terrestre qui reliait l'Asie et l'Amérique pendant la dernière glaciation.
Longtemps, aux États-Unis, a dominé la théorie du Clovis first, selon laquelle les premiers Amérindiens appartenaient à une culture dont les vestiges remontent à environ 13 000 ans : la culture Clovis (du nom d'un village du Nouveau Mexique). Mais ensuite, de nombreuses traces d’occupation humaine plus anciennes ont été découvertes, notamment le long de la rivière Buttermilk au Texas, où Michael Waters, de l’Université du Texas, a mis en évidence un atelier de taille plus ancien que les artefacts de la culture Clovis, puisqu’il est situé en dessous sur le même site. L’âge de cette culture pré-clovis est estimé à 15 500 ans.
Toutefois, l’un des piliers de la théorie Clovis first subsistait : l’idée que les premiers chasseurs-cueilleurs sont parvenus dans le sud de l'Amérique du Nord en empruntant le corridor qui s’est ouvert au centre du Canada quand la calotte glaciaire recouvrant toute la région pendant la dernière glaciation a commencé à reculer. C’est pourquoi une équipe internationale menée par Eske Willerslev, de l’université de Copenhague, a voulu établir de façon définitive quand ce corridor a pu s'ouvrir.
Les chercheurs se sont concentrés sur l’une des dernières régions du passage libérée par les glaces : le bassin de la rivière Peace, au Canada. Durant l’hiver, ils ont extrait des sédiments du fond de Lake Charlie et Spring Lake, deux lacs de la région. Dans le cadre de sa thèse, Eske Willerslev avait justement démontré qu’il était possible de retrouver dans les sédiments de l’ADN fossile provenant de tissus, de l'urine ou de fèces. Une fois cet ADN extrait suivant le protocole mis au point par son co-auteur Mikkel Winther Pedersen, les chercheurs l'ont séquencé avec la technique dite du « fusil de chasse », qui permet d'obtenir de nombreuses courtes séquences d’ADN. De quoi identifier les espèces présentes dans les sédiments, et donc d'établir une sorte de « carte d’identité » de l’environnement fossile. Ces données génétiques sont en outre complétées par l’identification des pollens et des microfossiles qui se trouvent dans les sédiments.
Le tableau chronologique de l’environnement du bassin de la rivière Peace qui en résulte est le suivant : une végétation steppique n'y apparaît qu'il y a 12 600 ans environ, vite suivie par des espèces animales telles le bison, le mammouth, le lièvre et le campagnol, toutes à l'aise dans la steppe. Ce n’est que vers 11 500 ans que se met en place un écosystème forestier accueillant de grandes populations d’élans, ainsi que des aigles et les espèces actuelles de la région.
Or le corridor canadien, de plus de 1 500 kilomètres de long, n'a pu être traversé par des chasseurs-cueilleurs que s'ils pouvaient s'y procurer facilement des ressources. Les chercheurs en concluent que le passage par cette voie a été physiquement ouvert après 13 000 ans, mais n'est devenu biologiquement possible que lorsque la steppe a commencé à être parsemée de forêts abritants du gibier, donc plutôt à partir d'il y a 12 600 ans.
Or cette époque se situe 400 ans après le début de la culture Clovis ! Elle est aussi postérieure de plusieurs milliers d’années aux énigmatiques cultures pré-Clovis. Alors, par où sont passés les premiers arrivants, qui ont colonisé les Amériques depuis la Béringie ? L'hypothèse d'une migration le long de la côte ouest du Canada prise dans les glaces, avec une culture maritime et côtière comparable à celle des Inuits, est la plus probable à ce stade. Reste à la documenter par l'archéologie. Les chercheurs américains ont d'ores et déjà commencé la chasse aux traces d'occupation humaine dans les milliers d'îles de la côte pacifique.

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