La Janine. Le propriétaire lance un SOS - Douarnenez



Son statut de Monument historique excluant tout projet de destruction, ce bateau n'a d'autre avenir qu'un sauvetage par des passionnés, prêts à reprendre le flambeau de l'actuel propriétaire.
Son statut de Monument historique excluant tout projet de destruction, ce bateau n'a d'autre avenir qu'un sauvetage par des passionnés, prêts à reprendre le flambeau de l'actuel propriétaire.

La Janine est un trésor national, échoué dans les herbes folles depuis près de sept ans à Pouldavid, à Douarnenez. Thierry Henriot, son propriétaire, nous raconte son histoire. Celle d'une passion qui vire au naufrage.

Le ton est posé mais la voix est lasse. Thierry Henriot ne s'en cache pas : dans cette histoire, il se sent terriblement seul aujourd'hui. Et pourtant, au départ, c'est une belle aventure collective qui a amené ce Champenois à s'engager dans le sauvetage de La Janine, le dernier représentant de l'épopée langoustière de Camaret (lire ci-dessous).
« Tout a commencé en 1996 avec le Défi des jeunes marins, proposé à l'échelle nationale par la revue "Le Chasse-Marée". J'étais président d'une maison de jeunes proche de grands lacs, à Troyes (10), en Champagne, et nous nous sommes lancés dans la construction de deux yoles de Bantry. »
Une porte ouverte sur la sauvegarde du patrimoine maritime, alors en plein essor sur le littoral breton. Happés par cet engouement collectif, Thierry Henriot et ses amis champenois se retrouvent à écumer les rassemblements de vieux gréements et à y sympathiser avec des passionnés. « À notre tour, on a voulu participer à ce mouvement de sauvegarde. En 2003, on a créé notre association, Les Bateaux d'Ulysse, et j'en ai pris la présidence. On a commencé à chercher un bateau. On est allés en voir plusieurs quand on a entendu parler de La Janine, cette icône de Camaret. Si on devait en sauver un, ça serait celui-là. »

Classé Monument historique en 2010

Abandonné dans le port de Camaret suite à la faillite de son dernier patron, le bateau de pêche se dégradait. En juin 2004, pour une somme modique, il devient propriété de l'association et est gruté sur le sillon de Camaret pour y recevoir les premiers soins. Avec l'aide technique de Yann Mauffret, patron des chantiers navals du Guip (Brest), l'association propose le bateau à l'inventaire des Monuments historiques, avec un projet de seconde vie sur l'eau, culturelle celle-là.
En mars 2010, La Janine reçoit la reconnaissance suprême : elle est classée Monument historique. Un statut qui lui garantit un soutien public, à hauteur de 60 % du budget nécessaire à sa restauration et à son aménagement dans les règles de l'art (environ 700.000 € à l'époque, selon Thierry Henriot). À charge pour Les Bateaux d'Ulysse de trouver les 40 % restant.
« Nous n'étions pas sur place, l'éloignement nous a fait faire des erreurs », convient aujourd'hui Thierry Henriot, égrainant les écueils. Les élus camarétois, qui ne veulent plus voir cette épave sur le sillon ; les mécènes, qui se font rares ; les membres de l'association qui prennent le large... « Moi-même, j'avais des problèmes personnels et tout s'est un peu éloigné. » Et un jour d'octobre 2011, le bateau a atterri sur la cale Tanguy...
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« Franchement, il mérite un meilleur sort »
En 2011, suite à un appel d'offres, le chantier naval Tanguy, spécialiste du bateau en bois, emporte le marché de restauration de La Janine. Charge aux Bateaux d'Ulysse de boucler le financement. Ce marché comprend la manutention et l'acheminement de Camaret à Douarnenez. Un tiers de la facture de cette étape est réglé par l'association, une fois le bateau arrivé à Pouldavid. Puis, plus rien.
« Le contrat a été signé mais n'a pas été honoré », déplore Yves Tanguy, bien placé pour savoir qu'il est de plus en plus difficile de trouver des financements pour la restauration des bateaux classés. « C'est un statut à la fois bénéfique et contraignant. Mais je ne vois pas l'État déclasser ce bateau. Ça serait renier un choix pertinent. Ce bateau, c'est ce qui se faisait de mieux à l'époque et il a navigué selon les critères de neuvage, c'est-à-dire qu'il n'a subi aucune transformation depuis sa construction. Son état est stabilisé. Franchement, il mérite un meilleur sort ».

« Un trésor national »


À la Ville, techniciens et élus sont démunis. Ce bateau occupe l'espace public et personne ne s'acquitte de la taxe afférente. L'association Les Bateaux d'Ulysse est aujourd'hui une coquille vide.
Christine Jablonski, en charge de ce dossier au service régional des Monuments historiques, rappelle que ce bateau bénéficie de la plus forte protection de l'État. « C'est un trésor national, avec interdiction de sortie du territoire. Son propriétaire est responsable de sa conservation et nous sommes là pour l'aider financièrement, techniquement. S'il veut le céder, celui qui le prendra aura la même responsabilité. »
Tous ces interlocuteurs convergent vers le même constat : le seul en mesure de sortir La Janine de l'impasse, c'est Thierry Henriot. Mais à 63 ans, ce dernier l'avoue : « Je n'ai ni les moyens, ni l'énergie de faire face seul. La solution honorable pour tout le monde serait que je trouve quelqu'un dans le Finistère pour reprendre le projet. Je suis prêt à céder le bateau pour rien, avec tout le travail de collectage que nous avons effectué. Il y a un livre, un film avec des témoignages des femmes des marins... Ce bateau a une âme, de belles choses à transmettre. »
Pour contacter Thierry Henriot, s'adresser par mail au Télégramme à Douarnenez, qui transmettra (douarnenez@letelegramme.fr).
Le dernier grand langoustier en bois à vivier ouvert Construit par le chantier naval Keraudren, à Camaret, ce caseyeur de 19,50 m a été mis à l'eau fin 1956. Baptisé du prénom de la femme d'André Menesguen, son premier patron, il a pratiqué la pêche à la langouste au Maroc et au Portugal, puis la pêche au crabe jusqu'en 2003. Avec son vivier ouvert de 40 m³, il est aujourd'hui le dernier représentant des grands langoustiers camarétois de ce type. Toutes les informations sur La Janine et de nombreuses photos du bateau en pêche sur : www.bateaux-de-camaret.com. Photo DR.



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