Huit ans après la catastrophe de Deepwater, Trump relance l’exploitation offshore


 
Washington a fait part de son intention d’ouvrir la quasi-totalité des eaux littorales américaines à l’exploitation pétrolière et gazière, défaisant l’héritage environnemental de Barack Obama.
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En mai 2010, une plateforme pétrolière offshore au large du canal de Santa Barbara en Californie.
En mai 2010, une plateforme pétrolière offshore au large du canal de Santa Barbara en Californie. MARK J. TERRILL / AP

C’était le 20 avril 2010. La plate-forme de forage pétrolier Deepwater Horizon, exploitée pour le compte de BP, explosait dans le golfe du Mexique, faisant onze morts et provoquant la pire marée noire que les Etats-Unis aient jamais connue. Après ce désastre écologique, Barack Obama avait renforcé la réglementation et les mesures de sécurité.

Près de huit ans plus tard, marche arrière toute : l’administration Trump veut relancer tous azimuts les forages pétroliers et gaziers en mer, qui représentent le sixième de la production d’hydrocarbures américains. L’annonce, qui couvait, en a été faite par le secrétaire à l’intérieur, Ryan Zinke, jeudi 4 janvier. « Nous nous engageons de nouveau dans la voie de la dominance énergétique en Amérique, en particulier offshore », a-t-il déclaré lors d’une conférence téléphonique : « Il y a une claire différence entre la faiblesse et la domination énergétiques. Nous allons devenir la superpuissance de l’énergie. »

Démantèlement de l’héritage Obama

Pour cela, Washington compte, progressivement à partir de 2019, ouvrir à l’exploration pétrolière 90 % des zones maritimes américaines. La mesure, qui sera mise en œuvre sur plusieurs trimestres, s’accompagne de deux autres décisions importantes : l’autorisation des forages dans un sanctuaire de l’Alaska, l’Arctic National Wildlife Refuge – surprenant cavalier inclus dans la réforme fiscale adoptée en décembre 2017 – ainsi que l’assouplissement des régulations techniques sur le forage en mer, qui avaient été adoptées après la catastrophe Deepwater Horizon.
Ces trois mesures défont l’héritage environnemental de Barack Obama. L’ancien président américain a prêté le flanc à ses détracteurs en protégeant les côtes américaines pendant l’interrègne, alors que le président élu, Donald Trump, n’était pas encore investi. Le 20 décembre 2016, M. Obama avait interdit les forages de manière permanente au large de l’Alaska et dans l’Atlantique, du Maine à la Virginie.
« M. Obama a invoqué une obscure disposition d’une loi de 1953 qui lui donne le droit d’agir unilatéralement », écrivait le New York Times, qui notait à l’époque que cette manœuvre était « qualifiée de créative par ses soutiens, d’abusive par ses opposants ». Ces dispositions avaient déjà été utilisées, mais avec une ampleur moindre. Donald Trump démantèle consciencieusement ces décisions.

Des centaines de millions de dollars sur dix ans

Parallèlement, les réglementations sont en voie d’assouplissement. Dès avril 2017, M. Trump avait signé un décret demandant de réexaminer ces mesures accusées de « priver [le] pays de milliers et de milliers d’emplois potentiels et de milliards de dollars de richesse ».
A l’avenir, le gouvernement fédéral s’impliquerait moins dans le contrôle des puits, laissant aux entreprises le soin de se réguler. Il appartiendrait aux industries pétrolières et non pas à l’Etat de déterminer si une installation est sécurisée ou non.
Le Bureau de mise en œuvre de la réglementation environnementale (BSEE) estime que l’industrie pétrolière pourrait économiser des centaines de millions de dollars sur dix ans. « En réduisant le fardeau réglementaire sur l’industrie, nous encourageons l’augmentation de la production nationale de pétrole et de gaz tout en maintenant un niveau élevé de sécurité et de durabilité environnementale », déclarait, le 28 décembre 2017, Scott Angelle, le directeur du BSEE, en présentant la future réglementation.
L’idée générale est que l’industrie peut se réguler elle-même, qu’elle a tiré les leçons de la catastrophe qui a coûté à BP 18,7 milliards de dollars (15,5 milliards d’euros) en pénalités et dommages et intérêts, et qu’au fond, la nature est plus résiliente qu’on ne le croit.
C’est le propos que tenait, en décembre 2017, l’universitaire Kelvin Droegemeier, secrétaire d’Etat à la science et à la technologie de l’Oklahoma. Interrogé sur l’irréversibilité ou non du réchauffement climatique, il citait en exemple l’affaire Deepwater Horizon : « Ce fut un désastre environnemental massif, et pourtant, grâce à la digestion microbienne d’une grande partie de la nappe, les impacts sont bien moindres que ce qui était craint. Il n’empêche, il n’est pas sage de tester Mère Nature. » Les associations écologistes contestent cette théorie de « nettoyage » par les microbes avancée dans une étude financée par BP. Elles soulignent au contraire les malformations constatées sur les espèces marines et estiment qu’il faudra au moins une décennie pour réellement évaluer les dégâts de Deepwater sur les écosystèmes.

Tollé sur la côte pacifique

Logiquement, l’industrie du pétrole se réjouit, alors que les cours du brut remontent. « Ce sont nos terres, elles appartiennent au contribuable et doivent être disponibles », a déclaré Thomas Pyle, le président de l’Alliance américaine de l’énergie. Les autorités américaines envisagent d’accorder quarante-sept autorisations de forage sur cinq ans – les eaux fédérales s’étendent de 3 milles à 200 milles nautiques des côtes. Le plan de M. Trump prévoit d’octroyer sept concessions sur la côte Pacifique, douze dans le golfe du Mexique et dix-neuf en Alaska.
A court terme, la relance de l’offshore devrait surtout être favorable au golfe du Mexique, où les infrastructures pétrolières sont très développées. L’exploration du plateau continental atlantique est beaucoup moins avancée, et les industriels sont loin d’être en mesure d’extraire des hydrocarbures. Les gouverneurs des Etats des côtes Pacifique et Atlantique sont globalement opposés à ces nouveaux forages.
L’affaire suscite la vive inquiétude de la Floride, qui est à la fois sur l’Atlantique et sur le golfe du Mexique et qui vit largement du tourisme et entend protéger ses ressources naturelles. « Ma priorité absolue est de protéger les ressources naturelles de la Floride », a immédiatement déclaré Rick Scott, le gouverneur républicain de l’Etat.
Sur la côte Pacifique, à majorité démocrate, l’annonce suscite un tollé : « Ils ont choisi d’oublier les dégâts des marées noires passées sur la faune, la vie aquatique et les industries du tourisme dans nos Etats. Ils ont choisi d’ignorer la science, qui nous dit que notre climat change et que nous devons réduire notre dépendance aux énergies fossiles », ont accusé les gouverneurs de la Californie, de l’Oregon et de l’Etat de Washington. Il existe près d’une trentaine de plates-formes pétrolières sur le plateau continental pacifique, mais un gel des nouvelles concessions est observé depuis 1984.
« Personne n’est meilleur que les Etats-Unis pour produire une énergie propre, de qualité et responsable », a pour sa part assuré Ryan Zinke.

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