Une réédition importante en matière d’histoire maritime : l’ouvrage de François Chappé reste un pavé dans la mare de la légende héroïque locale.
Lors de sa première publication, en 1990, le livre de François Chappé avait provoqué, à Paimpol, certains grincements de dents de la part de descendants d’armateurs. Vingt-sept ans plus tard, et dix ans après la mort de son auteur, le contexte a-t-il changé ? En tout cas, l’initiative de cette réédition est à saluer. L’historien François Chappé, Paimpolais de coeur, avait consacré sa thèse à l'« épopée islandaise », cette aventure de la pêche à la morue à bord de goélettes à voile. Une histoire qui a fait la grandeur de Paimpol, sa légende (Pêcheur d’Islande, de Pierre Loti), la fortune des armateurs.Et qui a semé la mort parmi les équipages. En 83 ans d’exploitation, de 1852 à 1935, plus de 2 000 inscrits maritimes ont disparu lors de naufrages. « Pourquoi ces drames, qui étaient connus à l’époque, n’ont-ils pas été dénoncés ? » demande l’historien. Dans son ouvrage très fouillé (qui n’est autre que la version grand public de sa thèse), François Chappé détaille les différentes causes. Dont le manque d’instruction des capitaines, l’illettrisme des équipages, recrutés uniquement en fonction de leur capacité à pêcher.
L’universitaire, qui fut, en 1991-1992, conseiller de Jean-Yves Le Drian, alors secrétaire d’État à la Mer, aimait aussi parler aux collégiens de Paimpol. « La vie était rude. Sur les goélettes, il y avait des enfants de votre âge, 12 ans, leur disait-il en 2003. Chaque année, vingt goélettes de Paimpol partaient en Islande. Et une ne revenait pas. Vingt-deux jeunes hommes étaient morts en mer. Les armateurs gagnaient quinze fois plus que les marins, sans prendre aucun risque. »
Ce qu’il racontait avec simplicité aux gamins est détaillé dans son ouvrage érudit. On est glacé à la lecture des conditions de vie des marins, de l’humidité, du froid, et des flots d’alcool qui anesthésie.
Paimpol. La République et la mer (1880-1914), François Chappé, Ed. de Kerninon.
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